Photo : les Sœurs Sicard, femmes photographes en Provence en 1900

Originaires de Saint-Rémy de Provence et demies-sœurs d’Émile, Augustin, Alexandre SICARD (1890-1958), qui a remanié le Domaine Saint-Antonin dans les années 1930, Marie-Louise, Alphonsine SICARD (1882-1965) et Claire, Joséphine, Honorine SICARD (1883-1941) cultivaient un réel intérêt et savoir-faire dans l’art de la photographie. Actives autour de 1900, elles pratiquaient la photographie sur plaque de verre sèche au gélatino-bromure, une technique qui a révolutionné l’industrie de la photographie et surtout la pratique amateur grâce à ses temps de pause drastiquement réduits.

Photographier la Provence

Leurs sujets, elles les trouvent dans leur environnement quotidien, du plateau des Antiques de Saint-Rémy aux ruines de Rocamadour, des scènes de labour aux pique-niques dans les sous-bois des Alpilles. Elles réalisent également de nombreux portraits de leurs proches, n’hésitant pas à se mettre elles-mêmes en scène en costume traditionnel d’arlésienne ou à prendre la pause pour animer un paysage traversé d’une simple route.

Marie-Louise et Claire Sicard, Double autoportrait en costume d'arlésienne, 1904, Saint-Rémy de Provence Photo : ©Association TOUN/Domaine Saint-Antonin
Marie-Louise et Claire Sicard, Double autoportrait en costume d’arlésienne, 1904, Saint-Rémy de Provence Photo : ©Association TOUN/Domaine Saint-Antonin

En les suivant, on assiste à une bataille de boules de neige devant la Collégiale Saint-Martin à Saint-Rémy, en mars 1906, on visite l’Exposition coloniale de Marseille, on se balade dans les ruelles des Baux.
Les compositions sont mûrement réfléchies, des attitudes et accessoires des personnages à l’équilibre des pleins et des vides ou aux lignes savamment agencées. Marie-Louise et Claire aimaient également jouer avec les possibilités offertes par la technique. Ainsi plusieurs négatifs sur plaque de verre superposent deux images formant une composition quasi surréaliste dans laquelle une femme se sert à elle-même le thé !

Marie-Louise et Claire Sicard, "Anmay en double", Négatif sur plaque de verre sèche au gélatino-bromure, 13 x 9 cm. Photo : ©Association TOUN/Domaine Saint-Antonin
Marie-Louise et Claire Sicard, « Anmay en double », Négatif sur plaque de verre sèche au gélatino-bromure, 13 x 9 cm. Photo : ©Association TOUN/Domaine Saint-Antonin

Dans ses archives, le Domaine Saint-Antonin conserve une collection de plusieurs milliers de négatifs sur plaques de verre et tirages réalisés par Marie-Louise et Claire Sicard entre 1900 et 1910, ainsi que l’ensemble de leur matériel photographique (chambre photographique, trépied d’appareil, boîtes de plaques de verre vierges, châssis porte-film, graphoscope, visionneuse stéréoscopique, etc.)

L’inventaire de ce fonds extraordinaire est actuellement en cours et diffusé via la base de données suivante :

La photographie sur plaque de verre : le temps du collodion humide

La photographie sur plaque de verre est une ancienne technique de photographie utilisée principalement du milieu du XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle.
Le support photographique consiste en une plaque de verre recouverte d’un mélange chimique, initialement du collodion, une solution de nitrocellulose (un polymère issu de la cellulose) dans un mélange d’éther et d’alcool. Cette solution était étalée sur la plaque de verre pour former un revêtement adhérent. Quand le collodion était encore humide, la plaque était plongée dans un bain de nitrate d’argent, ce qui la rendait photosensible.

La plaque était ensuite insérée dans une chambre noire ou un appareil photo, exposée à la lumière pendant quelques secondes ou minutes, selon les conditions de luminosité. Après l’exposition, la plaque devait être développée immédiatement, car le collodion ne conservait sa sensibilité que pendant une courte période.
Le processus de développement impliquait l’utilisation de révélateurs chimiques pour faire apparaître l’image latente exposée sur la plaque. Une fois le développement terminé, la plaque était fixée avec une solution à base de thiosulfate de sodium pour arrêter le processus chimique et stabiliser l’image.
Les photographies sur plaque de verre étaient appréciées pour leur grande netteté et leur détail, mais le processus était complexe, exigeait une manipulation rapide et était peu pratique pour les prises de vue en extérieur en raison de la nécessité de transporter un laboratoire photographique mobile.

Photo : la révolution du gélatino-bromure

La complexité du procédé au collodion humide pousse les chercheurs à expérimenter de nouvelles solutions. Ces recherches aboutissent à l’apparition de la plaque de verre sèche au gélatino-bromure. Cette méthode permet de surmonter certaines des contraintes et des complexités associées au processus de collodion humide. En effet, le le gélatino-bromure d’argent (une émulsion photosensible à base de gélatine et de sels de bromure d’argent) étant une préparation qui s’utilise sèche, il n’est plus nécessaire de préparer, utiliser et traiter la plaque immédiatement.

Voici comment fonctionnait le processus de photographie sur plaque de verre sèche au gélatino-bromure :

  1. Préparation de la plaque : Une plaque de verre était enduite d’une émulsion gélatino-bromure, qui était étalée uniformément sur la surface de la plaque. Cette émulsion contenait des cristaux de bromure d’argent sensibles à la lumière.
  2. Exposition : La plaque préparée était ensuite exposée à la lumière dans un appareil photo. Lors de l’exposition, la lumière frappait l’émulsion gélatino-bromure, provoquant une réaction chimique qui créait une image latente sur la plaque.
  3. Développement : Après l’exposition, la plaque était développée en la plongeant dans un bain chimique de révélateur. Le révélateur faisait réagir les cristaux de bromure d’argent exposés à la lumière, formant ainsi l’image visible.
  4. Arrêt et fixation : Après le développement, la plaque était rincée pour arrêter le processus chimique. Ensuite, elle était fixée dans une solution à base de thiosulfate de sodium pour stabiliser l’image et éliminer les cristaux de bromure d’argent non réagis.

La photographie sur plaque de verre sèche au gélatino-bromure a été une étape importante dans l’évolution de la photographie, car elle a permis une manipulation plus facile et un processus moins contraignant que la photographie au collodion humide. Cette technique a été largement utilisée à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, avant d’être progressivement remplacée par les films photographiques modernes.

Chambre photographique en acajou, vers 1900 , soufflet en toile lie de vin, et objectif en laiton ayant appartenu aux sœurs Sicard. Photo : ©Association TOUN/Domaine Saint-Antonin
Chambre photographique en acajou, vers 1900 , soufflet en toile lie de vin, et objectif en laiton ayant appartenu aux sœurs Sicard. Photo : ©Association TOUN/Domaine Saint-Antonin

Supports et formats

Les formats de plaques de verre les plus courants sont :

– plaque normale : 18×24 cm
– demi-plaque : 13×18 cm
– quart de plaque : 9×12 cm
– huitième de plaque : 6,5×9 cm
– seizième de plaque : 4,5×6 cm
– les formats stéréo

Marie-Louise et Claire Sicard se prenant en photo sur la route des Baux-de-Provence. A leurs pieds, la sacoche dans laquelle elle transporte les plaques de verre. Photo : ©Association TOUN/Domaine Saint-Antonin
Marie-Louise et Claire Sicard se prenant en photo sur la route des Baux-de-Provence. A leurs pieds, la sacoche dans laquelle elle transporte les plaques de verre. Photo : ©Association TOUN/Domaine Saint-Antonin

Aujourd’hui, la photographie sur plaque de verre est principalement utilisée à des fins historiques ou artistiques, mais elle a laissé une marque importante dans l’histoire de la photographie en tant que l’une des premières méthodes pour capturer des images durables.